Dans mon musée imaginaire j’alterne une œuvre antique avec une œuvre contemporaine, parce que je ne discrimine pas les unes par rapport aux autres, il me semble qu’elles se font écho et qu’elles reflètent leur temps,des réflexions et une création authentiques.
Giotto Lamentation du Christ, fresque, 200*185cm, 1304-06, Chapelle Scrovegni. Giotto est un peintre que j’affectionne parce qu’il est le symbole du renouvellement de la peinture en occident, se dégageant des canons de l’orthodoxie byzantine pour créer les fondements d’un art plus humaniste (la Renaissance), dont cette fresque, une lamentation très poignante, est un des plus bels exemples : réalisme du corps, dramatisation de la scène, représentation réaliste de l’espace.
Tempête de neige et bateau à vapeur, huile sur toile, 91*121cm, 1842, Joseph Mallord William Turner, Tate Britain. Les paysages de Turner ne sont pas seulement des paysages de nature, ce sont des paysages de l’espace mental. A travers les couchants, les crépuscules, les marines et les rochers Turner évoque les passions (colère, victoire, décadence…) et la folie humaine. Ce paysage aux forces de la nature déchainées en est un exemple : tout dans la composition (tourbillon des lignes directrices, contraste du blanc et noir) donnent le tournis à la raison, notre âme étant comme ce bateau solitaire en proie à l’ouragan.
Tombeau de Julien de Medici, Chapelle Medici de la basilique San Lorenzo de Florence, 1520-17, Michelangelo Buonarroti. Plus grande figure de l’art selon moi, Michelangelo est l’incarnation du génie. Fougueux, romantique, insoumis, solitaire. Toutes ces œuvres reflètent, dans les torsions et la puissance des anatomies, toutes les idées sur l’existence, l’amour et la foi, la mort et la peur, le temps et la création. Cette œuvre est symbolique de son art, puisqu’elle rend hommage à un homme de la puissante famille des Medici que côtoiera bon gré mal gré Michelangelo toute sa vie, c’est une réflexion sur la vie et la mort, le temps qu’incarne les figures de la Nuit, du Jour (ici présentes), de l’Aurore et du Crépuscule.
Laocon et ses fils, copie d’après un original grec, 200 av., 184cm (hauteur), JC, Museo Pio-Clementino, Vatican. L’art antique a toujours été une source d’inspiration pour les peintres. En ce qui me concerne, je ne suis pas attachée à toute l’antiquité, mais à l’époque hellénistique (à partir de la conquête d’Alexandre jusqu’à l’époque romaine, 300BC-200AD) par opposition à l’époque classique (avec ses canons de beauté assez vérouillées). J’aime la grandeur et la violence de l’expression – dont l’autel de Pergame est la plus fière représentation. Cette sculpture reflète bien la souffrance de Laocon et de ses fils subissant la justice des Dieux, qui ne lui pardonnent pas de prévenir le peuple de Troie du danger d’accepter le Cheval. Visage effroyable du père et des fils, circonvolutions du serpent, le cabrement vain des corps, sont autant de moyens d’expression qui provoquent la stupeur.
Peinture murale de la grotte Chauvet, en Ardèche. Environ 30 000 ans avant notre ère. Je suis ébahie devant la qualité des lignes, la force expressive des dessins de nos ancêtres d’il y a 30 000 ans. Mis à part notre ignorance sur l’interprétation à donner à ces « oeuvres », les plus vieilles peintures connues prouvaient que nos ancêtres étaient déjà de grands artistes, sensibles et dans la nécessité de s’exprimer.
Mandala tibétain, pigment minéral sur cotton, 49.53×36.83cm , XVIème siècle, Collection du Rubin Museum of Art, New York. Une autre tendance de mon caractère, héritage oriental, c’est très souvent l’appel à une forme de vie apaisée, que symbolise le Buddhisme. Le spectacle des passions humaines, la souffrance sont parfois insoutenables à l’âme. J’aime les œuvres qui peuvent servir de prière ou d’accès à la paix intérieur.
Le retable d’Issenheim de Matthias Grunewald, tempera et huile sur bois, 169*307cm, 1512-16, muse Unterlinden de Colmar. Le réalisme de cette peinture, mains crispée, gouttes de sang, donnent une atmosphère angoissée, presque obscène de la mort du Christ. Dans l’interprétation de Grunwald, aucune idée de la divinité du Christ et de sa prochaine résurrection. Il meurt effroyablement sur la croix, et nous sommes angoissés par cette perte terrible, le corps se verdit, et nous assistons avec conviction (pas besoin d’être croyant) aux derniers spasmes du Christ.
Le Sabbat des sorcières, ou le Grand Bouc, de francisco de Goya, huile sur plâtre transférée sur toile, 140*438cm, 1819-23, Musée du Prado. Goya est le contempteur de la société, et c’est souvent le cas des gens qui aiment et souffrent de l’injustice générale. Une grande partie de son œuvre témoigne de la violence de famines, guerres, tauromachies et de la folie. Son œuvre est très souvent rattaché à un univers cauchemardesque et même à la sorcellerie, comme dans cette peinture. Dans beaucoup d’œuvres, Goya remplace les hommes par des animaux pour se moquer d’eux. Ici les tons ocres et noirs, les visages caricaturaux et l’ombre du bouc créent une situation d’angoisse dans laquelle Goya devait se reconnaître, face aux superstitions, à l’ignorance et à la méchanceté. Je suis très sensible au caractère de Goya, et l’oeuvre que je commence (voir le rubrique Composition) prend un peu les directions de l’oeuvre de Goya.